Depuis 1989 le musée du Louvre et la Réunion des musées nationaux confient à des artistes contemporains le soin de réaliser des planches gravées à l'intention de la Chalcographie, qui en assure l'exclusivité du tirage, sans limitation du nombre d'épreuves.
Des tendances très différentes de l'art contemporain sont représentées. Geneviève Asse côtoie Georg Baselitz, Pierre Courtin, Jean-Pierre Pincemin, Pat Steir, Jean-Michel Alberola, Robert Morris, Louise Bourgeois, Markus Raetz, Pierre Alechinsky ou Agathe May.
La Chalcographie dispose déjà, sans doute depuis une date postérieure à 1883, d'une gravure de reproduction du célèbre autoportrait entré au Louvre en 1872. Il s'agit d'une eau-forte et burin sur cuivre (42,5 x 31,6 cm) de Paul Chenay (1818-1906), beau-frère de Victor Hugo et auteur de gravures d'interprétation d'après les dessins de ce dernier.
La gravure de Chenay, en noir et blanc, modifie sensiblement le regard d'Eugène Delacroix - lequel passe du miroir interrogé, et donc du spectateur interpellé, vers un point dans l'espace, aussi extérieur qu'intériorisé. La conscience de soi reflétée dans l'huile des alentours de 1837 s'en trouve dès lors insuffisamment traduite.
L'enjeu de la commande adressée à Pietro Sarto, qui commença sa carrière au service de Jean Fautrier, est de mettre à l'épreuve, aujourd'hui, les moyens du graveur, disposant d'un métier «classique» et tirant parti de la technologie de l'héliogravure. Sarto part d'une base héliogravée pour tout d'abord la «dévaster», puis la «récupérer» lentement par le travail des outils et de l'eau-forte. Il aboutit de cette manière à une œuvre d'interprétation susceptible d'offrir au public une restitution en couleur qui rende toute l'épaisseur psychique et la vibration sensible de la peinture modèle.
Par delà, il s'agit délibérément d'insister sur l'une des missions de la Chalcographie du Louvre - son rapport aux collections - et sur le «regard ajouté» que la gravure apporte toujours par sa spécificité créatrice. Le choix de l'autoportrait est riche de sonorités et d'échos. Nous avons là, en effet, une œuvre capitale chez Delacroix, l'un des plus beaux Delacroix du Louvre (avec le portrait de Chopin), qui a marqué les impressionnistes et a été dessiné tant par Cézanne que par Picasso. Pour Pietro Sarto, il s'inscrit à sa manière dans la lignée de l'Hommage à Delacroix de Fantin-Latour (1864).
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